La quintessence de mon travail de metteur en scène
résulte d’une relation étroite au texte d’abord, puis du corps des acteurs, de
leurs voix, leur imaginaire, leurs façons de se poser dans l’espace, leur
manière de dire, de traduire la profondeur de leur être. J’ai grand plaisir à
diriger ces artistes dont la trajectoire m’est confiée l’instant d’une
répétition, et de ce travail dérobé, elle pointe subrepticement jusqu’à la
scène au cœur de la représentation afin qu’ultimement celle-ci, étoffée,
féconde s’introduise dans l’esprit et le cœur du spectateur.
Comme acteur, j’ai aussi ce besoin de sentir la vie filtrer au travers la puissance des mots, distillant à l’oreille du public leur éphémère complexité. Il s’agit pour moi d’un corps à corps avec la matière artistique, mais également d’un ballet avec la nature dont je me sens lié et en laquelle je m’identifie, d’où ce besoin de la traverser sans heurts en kayak, de la respirer vivement à la course, s’y émerger à la nage, favorisant ainsi autour de moi des rencontres intenses et insoupçonnées, elles aussi fortuites, mais si significatives.
Ma vie d’artiste se compose du regard amoureux d’autrui et d’une conception humaniste fondée sur la bienveillance, de sourires instinctifs et de mouvements auxquels je joins la musique et les musiciens et le théâtre ainsi que celles et ceux qui le façonnent sans relâche. Oui, je suis de cette pâte, celle des bâtisseurs, des joueurs à l’esprit fantasque et beau dont je tire la substance pour créer des univers de sens. Me sentir vivant, perspicace, généreux… telle est la direction vers laquelle mon être s’ancre, s’épanche, tire son élan. Plus qu’un chemin, elle est ma profession, mon engagement, ma destinée.